Les hommes qui m'attirent ont ceci de commun Qu'ils ne sont pas des hommes Mais des êtres distraits qui crachent dans leurs mains Et s'en vont faire un somme Ils dorment tout le jour et défoncent, la nuit, Des portes grandes ouvertes Ils disent qu'ils sont fous pour s'excuser de tout Ce qu'ils n'ont pas su faire Les hommes qui m'attirent n'ont pas de pesanteur Ils ne tiennent à la vie que pendus par les lèvres Aux goulots amnésiques de leurs alcools menteurs Et croient refaire le monde quand ils ne font qu'un rêve Avec des chrysanthèmes en bulbes autour des yeux Ils regardent la mort et la draguent de haut C'est pour elle qu'ils dansent au bal des demi-dieux Jouant à faire semblant de la suivre bientôt Ils la suivront, bien sûr, mes géants de théâtres Trop tôt, déjà si vieux d'avoir voulu porter Sur leurs nuques étroites la voûte des cieux Ils sont mes frères de lait, mes jumeaux invertis Mes contraires de fait, mes doubles consentis Ils sont tout ce que j'aime et tout ce que je fuis Par amour de moi-même et de la vie Les hommes qui m'attirent ont ceci de commun Qu'ils ne sont que des hommes Que j'aime contempler mais qu'ils n'en sachent rien Je ne serais pas bonne À partager leurs vies, leurs verres et leurs copains La nuit au fond des caves Je ne vais qu'aux beautés solaires du matin Je n' suis que de passage Mais je me dis parfois que je les aime autant Qu'on peut aimer de loin, qu'on peut aimer de loin Quand on n'a pas le temps