C'est le premier jour de l'hiver C'est le brouillard C'est le brouillard qui me l'a dit Quand il est arrivé hier Au milieu de l'après-midi À mon réveil, il était là Il n'est toujours pas reparti Voici le soir et je ne vois Ni le jardin ni la prairie Je ne vois qu'au bout de mon nez Quatre mésanges à la fenêtre Qui se disputent leur dîner Tandis que j'écris cette lettre Cette lettre de fin d'année Pour te raconter que l'hiver Dans le brouillard s'est installé Comme il le fit l'année dernière C'est un très beau brouillard givrant Qui adoucit Le temps, les gestes comme un talc C'est un brouillard parfois navrant Les gens d'ici jusqu'à Saint-Malc Toi, tu savais le trouver beau Dans ses dentelles de forêts Dans son silence de tombeau Dans nos prudences de furets Il peut rester jusqu'en janvier Givrant les branches et les herbes Je me souviens qu'aux temps derniers Tu voulais en cueillir des gerbes Nous descendions au bord du lac Et tu prenais photos de tout Tu les as gardées dans ton sac Et emportées je ne sais où Le printemps se fera tout seul Au bout des bûches Au bout des bûches pour le feu Quand le brouillard fera son deuil De la litière de nos cheveux Le printemps se fera tout seul Au bout des bois du nouvel an Les mouettes ne feront plus la gueule Aux frilosités du Léman Le printemps se fera tout clair Et mon amour ira dehors Avec ses grâces jardinières Et sa jeunesse à bras-le-corps Les mésanges auront tout mangé Je t'écrirai par la fenêtre Que le jardin s'est déneigé Espérant te faire apparaître Si la mort n'est pas un désert Elle a peut-être des saisons Des hivers qui vont en enfer Et des printemps qui ont raison Si la mort poursuit son destin Pourquoi ne finirait-elle pas Comme la nature un beau matin Par voir le bout de son trépas Je ne sais rien de ces mystères Je sais seulement que le brouillard Un jour s'en vient couvrir la terre Et le lendemain s'en repart En ce premier jour de l'hiver Mes yeux se brouillent un peu de noir Et toi, vas-tu vers la lumière ?