Théodore Botrel

La jalouse

Théodore Botrel


Je suis un gâs de Saint-Malo
Et vous, fille de Cornouailles, 
Avec le pauvre matelot
Vous désirez les accordailles.
M'aimer serait du temps perdu
Chassez-moi de votre pensée.
L'amour, hélas ! m'est défendu
Car la mer est ma fiancée !

Lorsque j'étais petit garçon
Et que je dormais sur la grève
La mer chantait à sa façon, 
Afin de mieux bercer mon rêve
Ne tenons plus de doux propos
Comme nous faisions tout à l'heure.
Ma fiancée a le cœur gros, 
Entendez-vous comme elle pleure ?

En vrai Breton, j'ai pour la mer
Un amour sauvage et farouche, 
J'ai soif de son baiser amer
Qui parfume et meurtrit ma bouche
Rendez-moi vite mes genêts, 
Reprenez votre boucle blonde
Ma fiancée est aux aguets, 
Entendez-vous comme elle gronde ?

Quand on lui fait quelque chagrin
La mer se venge de l'infâme.
C'est pourquoi le pauvre marin
Ne devrait jamais prendre femme.
Adieu ! Puisqu'il en est ainsi, 
Vous ne serez pas mon épouse.
Mais ne rodez pas par ici
Car ma fiancée est jalouse.