Sur la route, mène à l'horizon L'immuable bande blanchâtre, Marquée en hâte sur un goudron Dont la vapeur âcre Opaque et lourde se dégage Mêlée au grincement aigu De l'acier rouillé, qui propage Ininterrompu L'écho monotone l'oppressant, essence même de l'ennui L'irritante fournaise grandissante Le force à remplir ses poumons d'un air chaud et stagnant. L'odeur forte du cambouis Engourdit ses sens enivrés par l'alcool frelaté Sous un soleil de plomb, lourd Transpirant à en perdre haleine, dans un vrombissement sourd Détournant son regard. De la ligne déformée Par le poids, incommensurable D'une fatigue très avivée Qui le guide et l'accable. Les mains usées sur un volant noir Sentant la graisse et la sueur Le dos brûlé par le revêtement cuir Craquant sous la chaleur La gorge rongée par l'air sec qu'il respire, Par la fumée froide du tabac Qu'il inhale par saccades dans un fracas De tôle et de courroie Exténué et las, il attend Le moment fatidique du tournant A bout de nerf, le souffle court, il fonce droit et tête baissée Ne fixant plus la ligne blanche et continue Se défilant à l'horizon, il percute sans retenue Des fûts d'essences explosant dans une noire fumée