Renaud

Fatigué

Renaud


Jamais une statue ne sera assez grandePour dépasser la cime du moindre peuplierEt les arbres ont le cœur infiniment plus tendreQue celui des hommes qui les ont plantésPour toucher la sagesse qui ne viendra jamaisJe changerai la sève du premier olivierContre mon sang impur d'être civiliséResponsable anonyme de tout le sang verséFatigué, fatiguéFatigué du mensonge et de la véritéQue je croyais si belle, que je voulais aimerEt qui est si cruelle que je m'y suis brûléFatigué, fatiguéFatigué d'habiter sur la planète TerreSur ce brin de poussière, sur ce caillou minableSur cette fausse étoile perdue dans l'universBerceau de la bêtise et royaume du malOù la plus évoluée parmi les créaturesA inventé la haine, le racisme et la guerreEt le pouvoir maudit qui corrompt les plus pursEt amène le sage à cracher sur son frèreFatigué, fatiguéFatigué de parler, fatigué de me taireQuand on blesse un enfant, quand on viole sa mèreQuand la moitié du monde en assassine un tiersFatigué, fatiguéFatigué de ces hommes qui ont tué les indiensMassacré les baleines, et bâillonné la vieExterminé les loups, mis des colliers aux chiensQui ont même réussi à pourrir la pluieLa liste est bien trop longue de tout ce qui m'écœureDepuis l'horreur banale du moindre fait diversIl n'y a plus assez de place dans mon cœurPour loger la révolte, le dégoût, la colèreFatigué, fatiguéFatigué d'espérer et fatigué de croireA ces idées brandies comme des étendardsEt pour lesquelles tant d'hommes ont connu l'abattoirFatigué, fatiguéJe voudrais être un arbre, boire à l'eau des oragesPour nourrir la terre, être ami des oiseauxEt puis avoir la tête si haut dans les nuagesPour qu'aucun homme ne puisse y planter un drapeauJe voudrais être un arbre et plonger mes racinesAu cœur de cette terre que j'aime tellementEt que ces putains d'hommes chaque jour assassinentJe voudrais le silence enfin et puis le ventFatigué, fatiguéFatigué de haïr et fatigué d'aimerSurtout ne plus rien dire, ne plus jamais crierFatigué des discours, des paroles sacréesFatigué, fatiguéFatigué de sourire, fatigué de pleurerFatigué de chercher quelques traces d'amourDans l'océan de boue où sombre la penséeFatigué, fatigué