En passant devant le superbe parking, je me souviens De ces jardins de banlieue qui lui ont cédé le terrain. Ma tante avait une maison, là où se trouve l'entrée. C'était un petit pavillon au milieu des azalées. Régulièrement, je piétinais son jardin au printemps, Ce qui me valait quelques gifles aussi régulièrement. Mais j'y trouvais, quand revenait la saison des hannetons Les plus rares spécimens pour completer ma collection. Aujourd'hui, je ferais en vain une telle expédition, Et je rentrerais bredouille, Sans les hannetons qui grouillent Sur les feuilles de ma boîte de carton. Il n'y a plus de hannetons. Quelquefois, le père Antoine venait juger mon butin. Il était un grand expert en scarabés, je m'en souviens. Il disait que, dans sa jeunesse, ils étaient un vrai fléau, Qu'on ne comptait pas par pièces, qu'on les comptait au kilo, Qu'il y avait des primes de capture et que, certains jours, Pour chasser les hannetons, les enfants n'avaient pas de cours. Le récit de ses exploits m'impressionnait profondément Et avec mon carton sous le bras, je rentrais tristement. Aujourd'hui, je ferais en vain une telle expédition, Et je rentrerais bredouille, Sans les hannetons qui grouillent Sur les feuilles de ma boîte de carton. Il n'y a plus de hannetons. Tant de questions sont pressantes, mais j'écris en conclusion, Sur une feuille de hêtre, un réquiem pour hannetons. Pourqoui dédaignent-ils le parking comme quartier d'hiver, Et même le vieux chêne ayant résisté aux bulldozers? Si cela me préoccupe tant c'est peut-être en raison De tout ce que j'ai appris jadis avec ces compagnons. Et si leur départ m'angoisse, c'est peut-être que je crois Que les hannetons ne nous précèdent que d'un petit pas. Aujourd'hui, je partirais en vain pour une expédition,Et je rentrerais bredouille Sans les hannetons qui grouillent Sur les feuilles de ma boîte de carton. Il n'y a plus de hannetons.