Il est sept heures et quart, quelqu'un frappe à la porte Au milieu de la nuit, que le diable l'emporte. Revenez tout-à-l'heure, je ne suis pas là. Mais j'entends que mon absence ne le décourage pas. Je cherche mes pantoufles. Elles ne sont pas sous l'oreiller. C'est là que je les mets toujours. A moins qu'elles ne soient noyées Avec mes lunettes au fond de la baignoire. Je ne vois pas très clair et je rentre dans l'armoire Avant de m'étaler sur le basset pour comble de drame. Puis je rampe jusqu'à la porte. On m'envoie un télégramme Que je déchiffre en me redressant au beau milieu des ruines: «Arriverai vendredi 13 à 14 h 05. Signé Christine». Encore six heures et demie. Faire un plan stratégique. Surtout du sang-froid et pas de panique. Il faudra dégager l'entrée et déblayer le salon. Je commence par me raser et me tranche le menton. Quand le téléphone sonne: «Non, je vous jure, vous faites erreur, C'est pas moi l'Ambassade du Chili». Il me reste six heures Pour faire la vaisselle et retrouver mon pantalon, Faire en vitesse le marché et recoudre le bouton, Changer la nappe déchirée que de toute évidence Ce monstre de basset doit avoir sur la conscience, Car c'est lui le coupable du désastre de la cuisine «Arriverai vendredi 13 à 14 h 05. Signé Christine». Plus le temps de tout ranger. J'envoie tout dans une malle, Cendriers, bouteilles vides, brosse à dents et la poêle. Tiens, j'ai oublié que je lui avais promis, Pour le jour de son retour, de lui faire son plat favori, Sans avoir la moindre idée comment on fait la cuisine, A part les oeufs sur le plat et les boîtes de sardines. Un coup d'oeil dans le frigo qui ne contient qu'un vieux soulier. J'attrape le basset et je cours chez l'épicier. Je me rue dans l'ascenseur. J'appuie sur rez-de-chaussée. L'ascenseur se bloque. Le basset est déchainé. Après trois quarts d'heure, on nous sort de la cabine. «Arriverai vendredi 13 à 14 h 05. Signé Christine». Pas de chiens dans le épiceries selon la loi du 5 juillet. Je prends 5 ou 6 bouteilles de vin et des soupes en sachets, Un canard avec ça, je fais un canard à l'orange. J'ignore tout de cet oiseau à part le fait qu'il se mange. «Y'en a pour 5 centimes de plus, il fait plus que son poids.» Ca n'a aucune espèce d'importance, je n'ai pas un sou sur moi. Je mets tout dans un sac en papier «Prenez-le par en bas, Sinon, il va se déchirer». Allons-y! «Merci, c,a va». Une émeute dans la rue. Le basset, joyeusement, A renversé les étalages et mordu un agent. Le sac en papier éclate, l'agent hurle et piétine. «Arriverai vendredi 13 à 14 h 05. Signé Christine». «C'est à vous, ce fauve dangereux? Votre carte d'identité». Ca, c'est dur car je l'ai égarée le jour où on me l'a délivrée. Je souris, je marchande, je fais celui qui ne comprends pas. «Rien à faire, cher monsieur. Hop! Au commissariat!» A l'heure qu'il est, le canard devrait être à moitié cuit, Et peut-être, avec un peu de chance, je l'aurais réussi. Et pendant ce temps, je tourne en rond et j'attends mon tour. Il fallait bien que cela m'arrive juste le jour de son retour. Elle doit être devant la porte en train de sonner. Il est trois heures et quart, maint'nant tout est loupé. Puis j'aperçois un calendrier et je m'évanouis: Aujourd'hui, nous sommes le 12. D'ailleurs, c'est jeudi...