Medine

Du Panjshir à Harlem

Medine


J'en ai passé des soirées comme celle-ci à regarder

Le ciel illuminé par les tirs de mortiers 
48 ans de ma vie sur cette planète 
Et je revois mon pays en fouillant bien dans ma tête 
Mais ma mémoire me trahie comme mes alliés 
Des souvenirs qui n'attendent que d'être coloriés 
Et Kaboul reste présente autant que la guerre 
D'abord les russes et puis mes propres frères 

J'en ai passé des soirées comme celle-ci à décrocher 
Le téléphone incessant qui menace de me tuer 
Trois décennies et neufs années sur la Terre 
Je repense à mon parcours et ma descente aux Enfers 
Récemment ils s'en sont pris à ma famille 
Alors je vis séparément de ma femme et mes filles 
Logé dans un hôtel au cœur de Manhattan 
J'attends patiemment comme le fond les montagnes 

Commandant d'une armée de paysans 
Cultivateurs de la terre, de boulangers et d'artisans 
Une poignée d'hommes libres comme le vent 
D'adolescent avec la guerre dans le sang 
J'ai passé ma jeunesse dans le camp des résistants 
Je voulais être architecte, ingénieur d'Afghanistan 
Mais certainement pas un homme politique 
Un chef de guerre, une figure emblématique 

1965 fut l'année de l'aveugle qui voit mais le martyr à sonner 
Je le sais désormais, 
Plus que tout que je serai mort avant de voir mon peuple en paix 
C'est de famille de mourir violement 
Mon père et ses frères et à mon tour maintenant 
J'aurais tenté de laisser un monde meilleur 
Plus de justice pour les gens de couleur 

Un jour où l'autre je paierai de mon sang 
Le prix d'une liberté arrachée à l'innocent 
Inutile de s'enfuir de notre mort 
On ne s'échappe jamais du filer de notre sort 
L'Islam mon seul rempart dans cette vie 
Une religion de paix, c'est de terreur qu'on la qualifie 
Je prend mon rôle comme un don venu du ciel 
Et quand ça tourne mal, je tends les mains vers le ciel 

De retour du berceau de l'humanité 
D'un pèlerinage nécessaire qui m'a rendu mon humanité 
L'immunité de l'afro-américain 
Qui combat pour ses frères à la recherche du Bien 
Depuis ma rupture avec la Nation [de l'Islam] 
J'en suis venu à me poser tout un tas de questions 
Le genre de questions sur le sens de ma mission 
Et si les blancs n'étaient pas tous des démons,

Je sais pertinemment où ces idées me conduiront 
Vers une mort certaine où en erreur elles m'induiront 
Et peu importe désormais où j'irai, 
Parsemés d'embûches sont les chemins de la vérité 

La capitale est sous contrôle Taliban 
Des étudiants du Livre qui le comprennent comme des ânes 
C'est toute une nation qui part en fumée 
Des dirigeants corrompus et leurs promesses consumées 
Nos sœurs et nos mères interdites d'éducation 
Plus qu'un pas en arrière pour ma civilisation 
Indifférence totale de l'occident 
Qui croit encore que la guerre se déroule sans incident 
Ma résistance telle une bouteille à la mer 
Qui s'échoue sur une île inhabitée comme le désert 
Mais il reste dans mon peuple assez d'espoir 
Pour maintenant les rangs, changer le cours de l'Histoire

Et les médias m'assimileront à la haine 
Le noir énervé au moindre mouvement dégaine 
Précurseur du soulèvement des ghettos 
Responsable incontesté des émeutes à Soweto 
Comprenez-moi les blancs ont brisé ma vie 
Assassiné mon paternel et démantelé ma famille 
Des familles d'accueil au redressement dans des maisons 
De l'escroc d'Harlem jusqu'à la case prison 
Tout est de façon pour que le noir échoue 
Des illusions, comme de faire croire que nous sommes nés dans des choux 
Alors je vis chaque jour comme le dernier 
Et spécule sur mon propre décès 

Dimanche, le neuvième jour de septembre 
J'ai rendez-vous avec la presse du monde arabe dans l'anti-chambre 
Deux reporters sympathiques en apparence

Aux visages trop souriants qui m'inspirent la méfiance 

Dimanche, vingt et unième jour de février 
Je me rends à l'Audubon Ballroom sans me faire prier 
Le public m'attend alors je me presse 
Une série de rendez-vous dominical sans la presse 

Dans ma carrière de militaire qui résiste 
J'ai eu l'honneur de rencontrer des centaines de journalistes 
Mais aucun qui venait de l'Arabie 
Alors expliquez-moi pourquoi ils m'interrogent aujourd'hui ? 

Je retrouve mon équipe dans les coulisses 
Le révérend sera absent, mais mon assistant novice 
Le remplacera le temps d'un discours 
Le temps pour vérifier les portes de secours 

Poignées de main solennelles, 
Embrassades fraternelles 
Je maintiens mes distances mes distances d'un réflexe habituel 
Que la paix soit avec vous voyageurs 
Que la paix soit avec toi Massoud le sauveur 

Ces derniers temps j'ai fait office de lampe torche 
Pour éclairer mon peuple, sorti la lampe de ma poche 
Mais je sais bien qu'ils complotent autour de moi 
En plus des anciens coreligionnaires ça pue la C.I.A. 

Admiratif d'un combat hors du commun 
Je vous salue frère Massoud de la part de tous les miens 
Peut-être avez-vous quelques questions à poser 
Faisons besogne avant que l'heure de prier 
Ne vienne s'imposer 

Depuis mon arrivée sur scène, des hommes étranges me fixent 
Des têtes inconnues dans les meetings de Malcom X 
Que la paix soit avec vous frères et sœurs 
Que la paix soit avec toi notre frère pasteur 

Dite-moi commandant, êtes-vous prêt à mourir 
Croyez-vous que votre esprit méritera le martyr ? 
Mais qui êtes-vous, quel genre de questions posez-vous ? 
Et pourquoi la camera n'est pas branchée mais sur vous 

Et soudain au dixième rang c'est la cohue 
Arrête de fouiller dans ma poche négro, tu croies que j't'ai pas vu ? 
Calmez-vous mes frères, soyez disciplinés 
Reprenez votre place, que l'on puisse continuer 

Des ceintures d'explosifs contre le ventre 
Ils implorent la grandeur de Dieu et mettent fin à l'attente

Dans la pièce des fragments de peaux se déchirent 
Ce soir le lion est mort dans la vallée du Panjshir 

J'allais poursuivre, mais j'aperçois un homme armé 
Je crois que c'est un noir, ils sont plusieurs à s'énerver 
Saisissant les évènements, un dernier sourire à ces noirs 
Assassiné par ses frères fut la panthère noire 

De Massoud à Malcom, du Panjshir à Harlem 
Le combat reste le même