Un nouveau jour se lève, enfin nouveau est un grand mot. Ils se ressemblent tellement tous qu'on ne fait plus gaffe aux alentours. Les gens se bousculent, se marchent dessus en fait mais ils ne se regardent plus. Chacun reste dans sa tête. Assis à l'arrêt de bus, J'vois cet homme le regard vide comme chaque matin il part au chantier Mais n'en a plus envie. Ca fait trente que ça dure le même train-train, Mais il faut bien nourrir sa petite famille même s'il sent sa vie mourir. Lui qui dans sa jeunesse s'est battu pour la France, Pour retour de pièce comme beaucoup n'a eu le droit qu'à son ingratitude, Espère un bon avenir pour ses gosses, dans un pays qui s'efforce A mettre des bâtons dans les roues à ceux qui n'ont pas la bonne face. Puis un bruit de volets qui s'ouvrent, Une vieille dame à sa fenêtre qui regarde le monde tel un tableau Dans lequel elle ne veut plus être. Où les époques passent comme des saisons, la sienne est morte, Et chaque soir elle s'endort avec l'idée de ne plus se réveiller. Elle se sent seule en bas, les gens de sa vie sont partis, Et quand elle parle d'elle c'est au passé, s'excuse presque d'être en vie. N'attend que le dimanche pour aller choisir des fleurs, Afin d'aller au cimetière se recueillir auprès de son mari défunt. Puis un rire de petite fille vient ensoleiller la rue, elle court dans tous les sens La joie de vivre, la vie dans son état pur, qui s'émerveille devant la rosée du matin, Pleine de « regarde maman » et maman crie vient ici et donne moi la main. La tête baissée elle obéit d'un air un peu déçu, Puis la relève voyant la vieille dame à se fenêtre au-dessus. Echange de regards brefs, brefs mais signifiants, Etincelant les yeux de la vieille dame qui murmurait doucement. Cueille ta vie, avant qu'elle soit emportée par le vent. Cueille ta vie, avant qu'elle soit abîmée par le temps. Cueille ta vie, tiens là fort et ne l'enferme pas dans leur rang, Ne là laisse pas s'envoler loin des rêves, cueille là dès maintenant. Un peu plus loin ce jeune garçon assis sur des cartons, Entouré de bouteilles vides qui n'attend plus rien que l'hécatombe. Victime d'une vie qu'il n'a plus voulu prendre en main, Prisonnier du bitume il s'est construit son monde. De très loin un monde intérieur riche où lui seul est souverain, Royaume imaginaire qui ne laisse plus rentrer la cruauté des humains. Il n'a plus la notion du temps, enfermé dans sa tête, L'enfant lui pleure à chaque instant où la tempête s'arrête. Puis une femme sort de chez elle, lunettes de soleil, Qui cachent des larmes et l'hématome d'un amour passionnel. Fruit d'une union virant aux déboires à double tranchant, Devenant coupable le soir lorsqu'il commence à boire. Elle a perdue l'homme qu'elle aimait, volé par l'alcool, Attendant toujours son retour et repoussant toujours l'ultimatum, Culpabilisant, car seule et laisée l'amour rend aveugle Surtout quand la vue donne envie de se crever les yeux. Puis un homme style la cinquantaine sort de sa voiture, Costard cravate, tête droite, avance avec fière allure. Mais dans son ombre on peut lire celle d'un homme triste et seul, pas d'amis, Juste des gens intéressé par son fric, il les a tous perdus, sa famille et ses proches, Faute d'un égo démesuré, trop d'aigreurs dans les reproches. Et aujourd'hui a fini par comprendre dans son malheur, Qu'en étant seul même tout l'argent du monde n'a plus de valeur. Il n'est jamais trop tard pour cueillir sa vie, Rattrapé le retard tout commence aujourd'hui. Sortir la tête de sa bulle même si ce monde nous dépasse, Ouvrir les yeux et se libérer de nos habitudes de glace. Il n'est jamais trop tard pour changer le courant de l'esclave, Passé maître de sa vie pour ne plus vivre mourant, Osé plongé dans l'inconnu, Souvent réparateur on choisit son chemin, Il paraît que le bonheur fait peur. Cueille ta vie, avant qu'elle soit emportée par le vent. Cueille ta vie, avant qu'elle soit abîmée par le temps. Cueille ta vie, tiens là fort et ne l'enferme pas dans leur rang, Ne là laisse pas s'envoler loin des rêves, cueille là dès maintenant.