Julien Clerc

Forcément

Julien Clerc


Quand une femme entre en prison, on lui fait prendre un bain 
dans du désinfectant pendant une demi-heure, on la rince, 
elle voit le docteur, on la vaccine, on l'enferme... et elle attend 

Elle a ouvert la porte du taxi 
Elle se glisse sur la banquette arrière 
Elle donne l'adresse d'un hôtel 
En dehors de la ville 
Elle défait son foulard 
Le chauffeur a d'mandé 
Si elle connaissait quelqu'un là-bas 

"Je ne connais personne" elle a dit 
Et puis, le motel, la porte derrière elle 
Et puis, elle collerait son nez 
À la vitre à attendre 
Puis, elle court vers le lit 
Décroche le téléphone 
Tourne le dos à la fenêtre 

Et toi, tu imagines les mots 
Forcément des "je t'aime" 
Des "je t'aime" forcément 

Elle retourne se coller à la vitre 
Et puis, elle croise les mains sur elle 
Et encore une fois, un déluge 
S'abat sur un parking 
Au-dessus du motel 
Les nuages s'amoncellent 
Comme s'ils allaient rester là 

Elle regarde fixement dans la pluie 
Et d'un petit mouvement d'épaules 
Chasse un fantôme 
Et puis, elle tire les rideaux 
Et déjà la nuit tombe là-bas à l'horizon 
Le ciel s'est teinté de rose 

Quand une femme sort de prison, elle attend. 
Mary Kay Letourneau a fait sept ans dans le centre de détention pour 
femmes de l'état de Washington pour détournement de mineur, 
viol aggravé et parjure. Aujourd'hui elle est mariée à sa victime et 
ils ont deux enfants. 

Et toi, tu imagines les mots 
Forcément des "je t'aime" 
Des "je t'aime" forcément