Léo Ferré

La tristesse

Léo Ferré


La tristesse a jeté ses feux rue d'AmsterdamDans les yeux d'une fille accrochée aux pavésLes gens qui s'en allaient dans ce Paris de flammeNe la regardaient plus, elle s'était pavéeLa tristesse a changé d'hôtel et vit en faceEt la rue renversée dans ses yeux du malheurNe sait plus par quel bout se prendre et puis se casseAu bout du boulevard comme un delta majeurLa tristesse...C'est un chat étendu comme un drap sur la routeC'est ce vieux qui s'en va doucement se casserC'est la peur de t'entendre aux frontières du douteC'est la mélancolie qu'a pris quelques annéesC'est le chant du silence emprunté à l'automneC'est les feuilles chaussant leurs lunettes d'hiverC'est un chagrin passé qui prend le téléphoneC'est une flaque d'eau qui se prend pour la merLa tristesse...La tristesse a passé la main et court encoreOn la voit quelquefois traîner dans le quartierOu prendre ses quartiers de joie dans le drugstoreOù meurent des idées découpées en quartiersLa tristesse a planqué tes yeux dans les étoilesEt te mêle au silence étoilé des annéesDont le regard lumière est voilé de ces voilesDont tu t'en vas drapant ton destin constelléLa tristesse...C'est cet enfant perdu au bout de mes caressesC'est le sang de la terre avorté cette nuitC'est le bruit de mes pas quand marche ta détresseEt c'est l'imaginaire au coin de la folieC'est ta gorge en allée de ce foulard de soieC'est un soleil bâtard bon pour les rayons " X "C'est la pension pour Un dans un caveau pour troisC'est un espoir perdu qui se cherche un préfixeLe désespoir...