Un vieux complet, de vieilles savates Avec quoi on n' peut plus draguer Un col roulé comme une cravate Un vieux pardingue pour se nicher Un bout d' chaussée à s'areuiller Dans les vitrines où y a qu' du vent Un pauv' nuage qui va crever C'est la retraite et c'est l' printemps Et ces pauv' gens qui font la queue Pour des plaisirs qu'on peut faire voir Cet opium qu'on fume par les yeux Dans les cinoches qui font l' trottoir Comme les tapins d' publicité Qu'ont leur bastringue en papier peint Histoire de montrer du péché Aux passants qu'ont plus les moyens Une vieille histoire à raconter A une nana qu'a plus d' zizi Un p'tit carnet pour y compter Des trucs qui valent pas un radis Une canne à pêche à dépister De quoi faire une friture vite fait Le soleil qu'est pas dégoûté Et c'est la retraite et c'est l'été Tous ces pauv' gens qu'on voit traîner A la queue des allocations Avec leurs mains à s' rembourser Les engelures d' la mauvaise saison Comme des rapaces qu'auraient plus d' bec Des lions qui seraient faits pédés Sans crinière, sans salamalecs Avec un bout d' griffe pour signer Un vieux sapin pour faire son rond A l'hôtel de la dernière nuit Dix mots latins pour l'addition C'est pas d' l'argot mais ça suffit ! Et pis l' curé qui fait la manche Avec son pote dies illa Y a pas qu'au guignol qu'y a des planches Y en a aussi dans ces coins-là Et ces pauv' gens qui font la queue Pour mieux pousser les fleurs des champs Se font deux trous dans leurs beaux yeux Et de leurs lèvres font des dents Pour mieux voir ce qu'on ne voit pas Pour mieux baiser le rien de rien Et rendre leur dernier repas Celui dont ils n'ont plus besoin