Jean Ferrat

Le fantôme

Jean Ferrat


Quand ils commencèrentLa chasse aux sorcièresJ'étais jeune apparitionSans grande expérienceLeurs cris de démenceMe glaçaient jusqu'au trognonA longueur d'antenneJ'agitais mes chaînesSans faire la moindre impressionMaint'nant on m'respecteJe suis un vieux spectreBien connu dans la maisonJe suis l'âme en peineQui secoue ses chaînesAu studio des Buttes-ChaumontL'onde est mon royaumeJe suis le fantômeDe la télévisionJe fais des chatouillesA ceux qui magouillentDans le sondage bidonJe fais des gratouillesA ceux qui glandouillentDans le débat-mirontonJe fous les chocottesA ceux qui fayottentDans la désinformationJe fous la paniqueA ceux qui forniquentLa liberté d'expressionJe suis l'âme en peineQui secoue ses chaînesAu studio des Buttes-ChaumontL'onde est mon royaumeJe suis le fantômeDe la télévisionEn vingt ans de dur labeurJ'ai connu vingt directeursQui partirent à ma chasseMais avant qu'ils ne m'attrapentlls passaient tous à la trappeMoi je suis toujours en placeY'en a qui m'envientDe passer ma vieA côtoyer les ZitronsLes grands publicistesTous ceux qui insistentPour vous lessiver l'oignonLes gens qui surnagentGrâce au matraquageDes ritournelles à la conLes brosses à reluireDes princes-sans-rireQui vous forment une opinionMais tout n'est pas drôleQuand on joue le rôleLe rôle d'apparitionL'onde est mon royaumePlaignez le fantômeDe la télévisionIci y a des dinguesQui prennent leurs flinguesPour trouer mon courant d'airDe sombres figuresQuand je dis cultureQui sortent leurs révolversSitôt que je bougeY'en a qui voient rougeFaut qu'ils se fassent une raisonY a pas qu'en EcosseQue mon p'tit négoceFait partie des traditionsY a tant d'âmes en peineQui secouent leurs chaînesAu studio des Buttes-ChaumontL'onde est un royaumeRempli de fantômesA la télévision