Fanon Maurice

La petite Juive

Fanon Maurice


Dans ce monde borné de quel entre deux guerresOù ceux qui font les lois les troussaient par derrièreNous n'avions que cinq ans du pains sec au dessertPour cinq lettres de trop ou un pet de traversOn nous disait tu vois c'est la croix que Grand-PèreA gagné au Chemin des Dames et nos grands frèresAbandonnant le bleu pour un kaki douteuxCocufiaient Madelon dans les bras de MarlèneUne fois l'an nous allions voir entre père et mèreLa victoire en chantant nous ouvrir la barrièreEt nous nous en allions en suçant des bonbonsJouer du revolver à deux sous le bouchon.Et je me souviens, la petite juiveElle me disait viensElle était jolieOn faisait des bêtisesOù on ne faisait rienElle s'appelait LiseEt je m'en souviensDans ce monde truqué de quelle drôle de guerreTout ceux qui font le front le bradait à l'arrièreNous n'avions que dix ans et dans nos gibecièresUne histoire de France qui tombait en poussièreOn nous a fait courir, traverser des rivièresSur des ponts d'Avignon qui dansaient à l'enversÇa tirait par devant, ça poussait par derrièreLes plus pressés n'étaient pas les moins militairesOn nous a fait chanter pour un ordre nouveauD'étranges Marseillaises de petite vertuQui usaient de la France comme d'un rince culEt s'envoyaient en l'air aux portes des ghettosEt je me souviens, la petite juiveOn lui a dit viensElle était jolieElle a fait sa valiseUn baiser de la mainElle s'appelait LiseIl n'en reste rienDans ce monde mort-né d'avant quelle autre guerreLe Japon blessé lèche encore son cancerDans ce monde septique où ceux qui ont la foiNe savent plus si Dieu est devant ou derrièreDans ce monde d'argent où la banque surnageComme une poisson ventru qui attend le naufrageNous n'avons que trente ans sainte horreur de la guerreEt pourtant nous n'avons pas cessé de la faireOn nous a fait marner de Djébel en rizièresDe Karib en Sylla, de cuvettes en civièresComme si nous n'avions pas autre chose à faireQu'à montrer nos fesses aux quatre coins de la terreEt je me souviens la petite JuiveElle me disait viensElle était jolieOn faisait des bêtisesOù on ne faisait rienElle s'appelait LiseEt je m'en souviens.