Yves Jamait

Célibataire

Yves Jamait


J'écrase une cigarette à moitié pas finie 
Dans le bol d'habitudes décaféinées 
Le temps est comme moi, incertain et tout gris 
Il est sept heures et quart, il est temps d'y aller 
Il est sept heures et quart, il est temps d'y aller 

Je referme la porte sur l'appartement vide 
Et, le pied machinal, je descends l'escalier 
Ce rituel commence à se faire des rides 
Et moi, je fais celui qui l'a pas remarqué 
Et moi, je fais celui qui l'a pas remarqué 

Et ainsi, tous les jours, je me noie dans les autres 
Dans le bus abruti qui me mène au boulot 
Il faut savoir aimer la vie qui est la nôtre 
Et se dire qu'on évite les problèmes conjugaux 

Je vis tout seul, je parle tout seul 
Je dors tout seul, je rêve tout seul 
Je vis tout seul, je parle tout seul 
Je dors tout seul, je baise tout seul 

Et je vais retrouver mes collègues de bourreaux 
Qui m'aident à tuer le temps, ces heures que j'assassine 
Minutieusement, je s'rai comme ce bibelot 
Que la poussière recouvre et les années patinent 
Que la poussière recouvre et les années patinent 

Un peu plus tard, j'irai devant une chaise fade 
Bouffer un croque-madame parce que j'aime bien le nom 
Chez le Turc d'en face où d'autres cœurs en rade 
Pérorent leur solitude en levant le menton 
Pérorent leur solitude en levant le menton 

Il faudra que je pense à acheter des rasoirs 
Une demi-baguette, des piles pour la radio 
J'ai pas le temps, ça peut bien attendre ce soir 
Là, j' vais chercher fortune dans un Rapido 

Vendredi soir, j'irai dépenser mon ennui 
Errant à la recherche d'autres solitudes 
Égarées comme moi et la soirée finie 
Se fera dans les bras vides de l'habitude 
Se fera dans les bras vides de l'habitude