Les chanteurs ont des yeux qui te regardent en face Les paupières levées comme un rideau de scène Les chanteurs ont leur mise au milieu de la face Et regardent à ton jeu un reflet d'eux-mêmes Les chanteurs ont des ouïes qui n'entendent qu'eux-mêmes Abasourdis qu'ils sont du grand bruit de leur voix Tu le sais, mon Monsieur, la rançon de la reine Est bien chère à payer pour qui ne règne pas Pour qui ne règne pas Les chanteurs ont des voix chaudes de nicotine Les chanteurs ont des voix qu'ils ont placées tout seuls Dans le bruit des cafés, des caves et des cuisines À grands coups de culot et à grands coups de gueule Les chanteurs ont des voix qu'ils massacrent en vain Comme s'ils ne comptaient que sur eux pour se faire taire Mais l'ivresse chez eux prend le pas sur le vin Et leurs cordes cassées font un bruit du tonnerre Les chanteurs sont gentils comme des bénévoles Les chanteurs sont gentils comme le sont les pédés Les chanteurs sont gentils comme tous ceux qui s'y collent Comme tous ceux qui ont un cœur à se faire pardonner À se faire pardonner Il veut qu'on lui pardonne il ne sait plus bien quoi Pitié pour le chanteur qui raconte sa vie Il veut qu'on lui pardonne il ne sait plus bien quoi Priez pour Debronckart, il avait tout compris Les chanteurs sont modestes comme les comédiens Ils ne sont pas derrière une toile ou un livre Mais là, sur le front, à portée de ta main Entre l'art et la vie, comme des passeurs de rives C'est d'ailleurs ce qui les rend cabots ou catins Tout comme les danseurs, tout comme les comédiens Comme tous ceux qui font face et qui savent très bien Que, s'ils perdaient la face, ils ne seraient plus rien Ils ne seraient plus rien