Tachan Henri

A La Mort De Juju

Tachan Henri


A la mort de Juju, 
Les copains sont venus 
Tous en masse, 
Les filles de p'tite vertu 
Tous les mecs inconnus 
Des palaces 

Moi aussi j'étais là, 
Immobile et très las 
Dans cett'e farce, 
Crachant sur l'au-delà, 
La bell'e Mort que voilà, 
La garce! 

Juju nous avait dit: 
"Que j'meure un vendredi 
Gras ou maigre, 
Ne bouffez pas d'orties, 
D'chrysanthèm'es ou d'hosties, 
Ni d'vinaigre, 

Immolez quelques bœufs, 
Laissez craquer les œufs 
En volaille, 
Et n'parlez pas à ceux 
Qui retournent chez eux 
Sans puer l'ail! 

Eclusez des gorgeons, 
A la santé d'Platon, 
Mon cocker, 
Et ma gross'e Janeton, 
A minuit, jouez-la donc 
Au poker!" 

Ainsi parla Juju, 
Qui est mort - qui l'eût cru - 
De vieillesse, 
Après avoir tant bu 
Tant brûlé et mordu 
Sa jeunesse... 

Alors on a sorti 
Une caisse d'Asti 
Dit Spumante 
Les Xérès et Chianti 
Les bouteilles de Pastis 
Odorantes, 

Et les p'tites sont venues, 
Gorge ronde et pieds nus, 
Dans notr'e planque, 
On a trinqué et bu, 
On a gueulé: "Juju, 
Tu nous manques!" 

Et puis on s'est quittés, 
La ganache empâtée 
Par l'alcool, 
Dehors, c'état l'été, 
Le long des rues bondées 
De bagnoles... 

Et je suis resté là, 
Immobile et très las, 
Dans cett'e farce, 
Crachant sur les lilas, 
La bell'e vie que voilà, 
La garce!