Sylva Berthe

L'enfant de la misère

Sylva Berthe


La gosse n'a pas six ans 
Et jamais un sourire 
N'adoucit en passant 
Son visage de cire. 
Ses yeux profonds et bleus, 
N'ont pas l'air de comprendre 
Qu'on soit si malheureux 
A un âge aussi tendre 

C'est l'enfant de la misère, 
Qui est passée près de vous, 
Qui ne reçoit de sa mère, 
Que des injures et des coups. 
Le long des rues de la ville, 
Elle tend sa petite main, 
Disant de sa voix fragile : 
"Donnez-moi un peu de pain". 

Et quand le soir, 
A demi-morte, 
Elle n'apporte qu'un peu d'argent, 
Elle n'ose pas franchir la porte, 
Car elle sait ce qui l'attend. 

C'est l'enfant de la misère, 
Qui est passée près de vous, 
Qui ne reçoit de sa mère, 
Que des injures et des coups. 

Un beau soir de printemps, 
La mère un peu plus ivre 
La prend brutalement 
L'attache au lit de cuivre 
Et se met à frapper, 
A larges coups sonores 
Sur le corps décharné 
De l'enfant qui l'implore. 

C'est l'enfant de la misère, 
Que l'on vient de ramasser, 
Dans le sang et la poussière, 
Comme un pauvre oiseau blessé. 
On la prend et la console, 
On la met dans un lit blanc, 
Mais déjà la vie s'envole 
De son petit corps tremblant. 

C'est alors qu'un homme se penche 
Et vient lui demander tout bas, 
Avec l'espoir d'une revanche : 
"C'est bien ta mère qui t'a fait ça ?" 

Mais l'enfant de la misère 
Murmure très doucement 
Avant de quitter la Terre : 
"Non, ce n'est pas ma Maman."