Je crois que je suis fait de ce bois Dans lequel on taille les casse-noix. Sans être assez noble pour qu'on fasse avec Mes racines rebelles des pions d'échec, Je suis tout content de paraître assez bon Pour qu'on grave sur moi un cœur et deux noms. Je crois que je suis fait de ce bois Dont on ne fera ni crosse, ni croix. Je ne vaux rien pour les flèches et les arcs, J'aurais fait un piètre bûcher à Jeanne d'Arc. Pour un gibet, je ne suis pas assez haut Et trop maigre pour être porte de cachot. Je crois que je suis du même bois Que les chaises entre lesquelles on s'asseoit, Que les manches à balais, les lits et les sabots, Les roues des chariots, les barques et les berceaux, Les planches d'une scène et, bien entendu, Les pipes à tabac et les tonneaux ventrus. Je crois que je suis fait de ce bois Qui pousse plus de travers que tout droit, Et si, en mourant, mes branches défeuillées Refusaient de flamber dans un feu sacré, Elles serviraient, et je m'en réjouis, Aux oiseaux qui viendraient y faire leur nid.