Au sud, en amont du grand fleuve contaminé de fiel Se dresse un palais buvant la lumière Au faîte de ce château pleuvent des flammes vers le ciel Le feu du sang extorqué à la terre Le magnat de ces fourneaux déverse dans l'azur Un parfum de plomb riche et délétère Ce Roi, impassible salaud, cinglant de démesure Transforme l'or, les forêts, l'eau et l'air À l'est, au-delà de la mer, un désert, un royaume Où des soleils se lèvent au cœur de la nuit Le mal étranger, mercenaire, a pénétré le dôme Et la mort s'y porte mieux que la vie Il puise, épuise et colporte sa morale guerrière Et rapporte son butin, ses barils Ailleurs, dans de riches cohortes, hypocrites et prospères Loin de l'épicentre des barbaries Aux quatre coins de la sphère, un avant-goût de l'enfer Et v'là qu'on s'demande pourquoi ça n'tourne pas rond? En cette ère de l'éphémère, des aveugles visionnaires Mènent le monde, méprisant la raison Au nord, un désert boréal, beau et blanc, tout de neige S'érode comme sagesse et savoir Soumis, un peuple immémorial, mille fois pris au piège Impuissant, voit fondre terre et espoir Le Roi se réjouit de la fonte car une voie se dessine Un raccourci pour ses bateaux de guerre Que diable si les marées montent, les tempêtes assassinent Les tours sont loin du niveau de la mer À l'ouest, chez le nombril du monde, la paranoïa règne Et la liberté n'a qu'une seule couleur On dort sur un volcan qui gronde, on cultive la haine En chantant la Mélodie du bonheur Outrances et gaspilles à la chaîne sont au menu du jour Et le je-m'en-foutisme fait la loi Et tourne la roue qui ramène et ramènera toujours L'homme à la bête et les richesses au Roi Chez moi, des idées noires abondent : la honte, la colère Et le fantasme de voir s'effondrer Ces tours de feu nauséabondes, cet empire pervers D'indifférence et d'inhumanité Ici, dans mon cœur, dans ma bulle, au lieu d'une prière Un espoir difficile à formuler Fragile, naïf et minuscule; une bouteille à la mer Espoir qu'enfin tout pourrait basculer Aux quatre coins de la sphère, dans un éclat de lumière Les voix se libèrent et entament à l'unisson Un chant pour la Terre Mère sur un air salutaire D'où jaillit l'espoir, triomphe la raison