Gaston Ouvrard

Suzon la blanchisseuse

Gaston Ouvrard


On voit partout aux devantures 
Chez les marchands, des images, des tableaux 
L'artiste représente la nature 
Le soleil dans l'air ou bien la lune dans l'eau 
Pour les civils, ça peut suffire 
Mais les soldats, ceux de mon régiment 
S'ils pouvaient peindre, je peux dire 
Qu'ils feraient mieux, bien mieux assurément 
Je sais bien, si les soldats peindraient 
Je sais bien le tableau qu'ils feraient 

Ils peindraient notre Suzon, Suzon la blanchisseuse 
Qui traverse la cour du quartier 
En portant son panier d'osier 
Ils peindraient ses jolis yeux, ses frisettes soyeuses 
Sa taille souple et son jupon court 
Et le ruban qui flotte autour 

On dit, peut-être on exagère, 
Qu'au temps jadis, naguère, il y a longtemps, 
Les rois épousaient des bergères 
Qu'ils rencontraient en chassant dans les champs. 
On ne disait rien, on laissait faire 
Vu que les rois, ils avaient tous les droits. 
Mais ça fait rien, quelle drôle d'affaire !
Heureusement qu'il viendra plus de rois 
Je sais bien, si les rois revenaient 
Je sais bien la femme qu'ils voudraient 

Il voudraient notre Suzon, Suzon la blanchisseuse 
Qui traverse la cour du quartier 
En portant son panier d'osier 
Ils voudraient ses jolis yeux, ses frisettes soyeuses 
Sa taille souple et son jupon court 
Et le ruban qui flotte autour 

Bientôt, quand on sera d' la classe 
On partira sans beaucoup de regret 
Chez soi, on reprendra sa place 
Et aux amis on contera ce qu'on a fait 
On regrettera pas, je vous le certifie, 
Les exercices, le sac, le fourniment, 
Les haricots, la théorie 
On regrettera pas les bontés de l'adjudant 
Mais je sais, quand on y pensera, 
Je sais bien ce qu'on regrettera 

On regrettera notre Suzon, Suzon la blanchisseuse 
Qui traverse la cour du quartier 
En portant son panier d'osier 
On regrettera ses jolis yeux, ses frisettes soyeuses 
Sa taille souple et son jupon court 
Et le ruban qui flotte autour