Avec son pas tranquille, Mon père est descendu Jusqu'au coeur de la ville, Pour réclamer son dû. On lisait la colère Sur son visage usé Et si doux, d'ordinaire. Je suis de son côté. Mon père a dit: "J'ai travaillé Pour vous toute ma vie. Vous êtes riches. Avec quoi avez-vous payé Vos villas endormies? A ce jeu, quelqu'un triche". N'avait pas d'autres armes Que ses mains d'ouvrier, La mémoire des larmes, Et sa voix pour crier. Il a parlé de guerres Q'on a jetées sur lui, Et de lendemains gris. Mon père a dit: "J'ai travaillé Pour vous toute ma vie. Vous êtes riches. Avec quoi avez-vous payé Vos villas endormies? A ce jeu, quelqu'un triche". On lui a dit en face: "De quoi viens-tu parler? Le monde est à sa place, Il n'y a rien à changer. Tu demandes justice? Va voir nos magistrats, Va voir notre police, Elle s'occupe de ça". La, la, la, la, la... Sans répondre, mon père, Comme il s'en retournait, Ramassa une pierre. Je suis de son côté.