C'était l'époque légendaire Où le louis d'or régnait encore La France astiquait ses oeillères Pour ignorer son triste sort Y a des grisous dans les houillères Les actionnaires narguaient les morts L'Autriche l'All'magne et l'Angleterre Préparaient un chang'ment d'décor Rostand faisait bondir les foules Paris découvrait Chantecler Feydeau célébrait les p'tites poules Et allez donc, c'est pas mon père ! Inconscients de leur sort funeste Les jeunes conscrits faisaient leur lit Nos diplomates prenaient des vestes Autrefois tout comme aujourd'hui Et dans le jour blême, au lever du matin Les pauvres ouvriers s'en allaient à l'usine Déjeunant d'un rêve et d'un couteau de pain Ils servaient le dieu mort des machines Pour leurs femmes braves, ils n'avaient pas d'argent Pour leurs gosses, pas d'joujoux, pas d'pralines Les jours bout à bout faisaient v'nir les ans Et la vie se traînait tristement Sans couleur et sans joie, sans espoir, sans printemps Mais dans l'ombre noire, un homme s'est levé Rassemblant près de lui ses amis de misère Et la société commença de trembler Aussitôt qu'il clama sa colère