Juliette Noureddine

Tous les morts sont ivres

Juliette Noureddine


Tous les morts sont ivres de pluie vieille et sale
Au cimetière étrange de Lofoten
L'horloge du dégel tictaque, lointaine
Au cœur des cercueils pauvres de Lofoten

Et grâce aux trous creusés par le noir printemps
Les corbeaux sont gras de froide chair humaine
Et grâce au maigre vent à la voix d'enfant
Le sommeil est doux aux morts de Lofoten

Je ne verrai très probablement jamais
Ni la mer, ni les tombes de Lofoten
Et pourtant, c'est en moi comme si j'aimais
Ce lointain coin de terre et toute sa peine

Fous disparus, fous suicidés et vous lointaines
Au cimetière étranger de Lofoten
Ce nom sonne à mon oreille, étrange et doux
Vraiment, dites-moi, dormez-vous ?, dormez-vous ?

Tu pourrais me conter des choses plus drôles
Beau claret dont ma coupe d'argent est pleine
Des histoires plus charmantes ou moins folles
Laisse-moi tranquille avec ton Lofoten

Il fait bon. Dans le foyer, doucement traîne
La voix du plus mélancolique des mois
Ah ! Les morts, y compris ceux de Lofoten, 
Les morts, les morts sont au fond moins morts que moi
Les morts, les morts sont au fond moins morts que moi