Leurs regards se croisaient Pour la dernière fois Leurs lèvres se taisaient Et il faisait si froid Que leurs mains se tissaient Sous le grand ciel d'hiver D'une neige enlacée Sur sa blanche crinière Il me semble parfois Les revoir à nouveau Parfois même, je crois Qu'ils murmurent des mots Il me semble parfois Qu'ils reviendront un jour Que le temps qui s'en va Portera leur retour Pour mieux les regarder Je m'étais arrêtée Ou pour mieux les garder Dans cette éternité D'une lente prière Qu'ils avaient traversée Quand un jet de lumière Les avait rassemblés Leurs regards se touchaient Par une seule larme Et la nuit épanchait Ces deux corps en alarme Sur le grand fleuve gris D'une ville muette Lorsqu'une femme crie Sur la place déserte Il me semble à présent Que leurs yeux n'ont plus d'âge Et je sais maintenant Qu'ils ne font qu'un visage Il me semble à présent Qu'ils sont depuis toujours Là, par-delà les ans Au signe de l'amour Je crois qu'ils s'ouvrent encore Sous le grand ciel d'hiver Et qu'ils ont mis la mort Dans les plis de leur chair Ils sont à fleur de vie Pour s'être dit "je t'aime" Sur le grand fleuve gris Qui là-bas les entraîne Et puis tout doucement Leurs regards s'envolèrent Aussi légèrement Que l'écume à la mer Aussi légèrement Que l'écume à la mer Leurs regards doucement Tendrement s'inondèrent Il me semble parfois Qu'une lueur éclaire Le fleuve qui flamboie Sous le grand ciel d'hiver Il me semble parfois Que le fleuve s'éclaire Et que la lune aboie Sous un grand ciel de pierres