Reine pieuse aux flancs de mère Écoutez la supplique amère Des veuves aux rares deniers Dont les fils sont vos prisonniers Si vous voulez que Dieu vous aime Et pardonne au geôlier lui-même Priez d'un salutaire effroi Pour tous les prisonniers du roi ! On dit que l'on a vu des larmes Dans vos regards doux et sans armes Que Dieu fasse tomber ces pleurs Sur un front las de nos malheurs Vos soldats vont la tête basse Le sang est lourd, la haine lasse Priez d'un courageux effroi Pour tous les prisonniers du roi ! Reine, qui dites vos prières Ne sentez-vous pas vos entrailles Frémir de fraîches funérailles ? Personne n'a tué vos filles Rendez-nous d'entières familles Priez d'un maternel effroi Pour tous les prisonniers du roi ! Car ce sont vos enfants, Madame, Adoptés au fond de votre âme, Dont nos pavés portent le deuil Il est déjà grand le cercueil Rappelez aux royales haines Ce qu'ils font un jour de leurs chaînes Reine, priez d'un humble effroi Pour tous les prisonniers du roi ! Madame ! Les geôles sont pleines L'air y manque pour tant d'haleines Nos enfants n'en sortent que morts Où commence donc le remords ? S'il est plus beau que l'innocence Qu'il soit en aide à la puissance Et priez d'un ardent effroi Pour tous les prisonniers du roi ! Voyez comme la providence Confond l'oppressive imprudence Comme elle ouvre avec ses flambeaux Les bastilles et les tombeaux Soulagez le Monde en démence Faites-y régner la clémence Priez d'un prophétique effroi Pour tous les prisonniers du roi ! Colombe envoyée à l'orage Soufflez ces mots dans leur courage Et priez de tout notre effroi Pour tous les prisonniers du roi !