Ils arrivent sans bruit Dans les roulottes noires Édifiant à minuit Leur palais illusoire Et puis au petit jour Tel un troupeau de faons Dans les rues et les cours S'en viennent les enfants, Des mômes de nulle part Avec des mains tendues, Le défi au regard Pour quelques sous de plus. Poudre d'or sur les cils Et les lèvres garance Beaux, crasseux et graciles, Insolemment ils dansent, Désir ou désespoir Dans vos yeux ils ont lu, Les anges du trottoir Ne vous lâcheront plus. Ils ont jaugé sans gêne Vos risques et leurs périls Et voilà qu'ils vous traînent Tout au bout de la ville Voici l'antique enceinte, Elle ne tient plus debout, Les vieilles toiles peintes Frémissent dans la boue. Mais dedans qu'il fait chaud ! Et peu importe l'antre Si magique est le show On se croit dans un ventre, Au milieu de la piste Par des licols tenus, On exhibe au touriste Les enfants presque nus. Des vieilles pour une obole Un peu plus les découvrent Et détachent du licol L'enfant qui s'offre et s'ouvre. Dans la lumière orange Ceux que l'on croit aimer Vous attirent et vous changent En un fauve affamé, Bien sûr à la tendresse On veut goûter encore, On tente une caresse Mais brusquement l'on mord C'est un jeu, l'enfant rit, Se débat sans comprendre Puis fait don de sa vie À qui vient de le prendre Et l'on veut des lueurs Dans ses yeux innocents Alors, avec fureur, On aime jusqu'au sang. Oui mais faut qu'on dessaoule Et passées les stridences, Les bravos de la foule Se noient dans le silence. Alors, c'était un rêve Pervers et triomphant, Tous les morts se relèvent Ce ne sont plus des enfants. Ce sont des nains fardés, Des singes grimés en gosses Qui vous ricanent au nez Et bavent sur votre Eros, Puis les roulottes noires Repartent au matin gris Vers quelque champ de foire Vers d'autres insomnies Car vous ne faites que passer, Beaux enfants de mensonge, Et déjà vous dansez Dans d'autres mauvais songes.