Michel Jonasz

Fanfan

Michel Jonasz


Je cherche Fanfan la gourmandeQui avait les yeux en amandeEt dans les poches de son manteauDes fruits, des morceaux de gâteau.A l'école, après le plein air,On allait se cacher derrièreLes piliers, au fond au préau,Et on partageait son trésor.Ses fruits, j'en ai le goût encore.On les posait sur nos genoux.Les autres se moquaient de nous :"Vous allez vous marier bientôt."Je cherche Fanfan la sauvageQui cachait toujours son visagePour ne pas montrer qu'elle pleurait,Elle qu'on ne regardait jamais,Devant les grilles noires du lycée,Au seul moment de la journéeOù les enfants se parlent entre eux.Elle restait seule près du portail,Serrant dans ses mains la médailleD'une chaîne accrochée au couComme si elle avait peur de tout.J'allais caresser ses cheveux.Et puis elle a quitté la ville.J'ai perdu Fanfan la fragile.C'était un vendredi d'avril.Je cherche Fanfan la lointaine,Qui venait, comme à la fontaine,Chercher l'amitié dans mes yeux.Je sentais dans mon corps un feuMais j'étais plus timide qu'elle.Je lui aurais dit : "Tu es belle."L'amour, ce n'est pas difficile.Un soir, dans le fond d'une impasse,Et qui peut dire que le temps passe,Je me souviens de ce baiserComme si je venais de quitterSes lèvres, tremblant et malhabile.Fanfan, je voudrais te revoir avantQue l'on ait fauché les grands prés,Fanfan, et te dire enfin que je t'aime,Mais qui peut dire que le temps passe?Pour moi, le temps perdu s'effaceEt je pense à toi au présent,Fanfan.