Jean Guidoni

Marseille

Jean Guidoni


Marseille
J'reviens demain ou jamais plus
Mon bel amour de l'Alcazar
Ma mort inconnue
J'ai d'avance perdu la mémoire
A trop laisser traîner mon coeur
Sur tant de trottoirs

Marseille, ville sans frontières
Cité des anges et des démons
Rêves de terre
Accrochés aux mailles d'un filet
Arrimés à tous les limons
De la misère

Et ce jour-là, comme tous les jours
Les écailles sanglantes des poissons
Laqués d'écume
Me rappellent un présent trop flou
A faire mourir mes dix-sept ans
Noyés de brume

Quelques billets, pour un paquet
Danger, pour un garçon maqué
Drôle de conte
Baiser très doux sur front baissé
De Charybde en Scylla, tombé Le messager.

Et moi Marseille
Dans un bar du vieux port
Passe-passe confidentiel
Sans regret, sans remord
Tu vois, Marseille
Je jouais au voyou
Et la sueur au cou
Tu m'rendais coup pour coup

Le port, la rade et Notre-Daine
Gardienne de nos braves gens,
Et de leurs drames
Vague bonheur sous le soleil
Je veux une vie sans erreur
Pêcheur sans âme

Marseille, je t'aimais mieux hier
Car aujourd'hui, tu te protèges
De trop de soleil
Sous une lamentable bannièr
Griffée aux armes d'un destin
En peau de chagrin

Tête de mouton, thé à la menthe
Parfums amers, bouches aimantes
Et accueillantes
Comme j'aimais tes seins voilés
De pudeur, d'espoir, maquillée
Toi, si vivante

Et rue Thubaneau, un hammam
Vapeur au bleu des mosaïques
Corps archaiques
Derrière un rideau emperlé
C'est le souvenir d'un ailleurs
A jamais parfait

Et moi Marseille
Dans un bar du vieux port
Passe-passe confidentiel
Sans regret, sans remord
Tu vois, Marseille
Je jouais au voyou
Et la sueur au cou
Tu m'rendais coup pour coup

Je t'ai quitté un soir de neige
Dans l'wagon d'un train oublié
Oui, je m'en allais
Là où le vent cach'rait ma douleur
Marseille, je t'aimais mieux hier
Je t'aimais mieux hier ...
Je t aimais mieux hier ...
Je t'aimais... Je t'aimais...