Jean Guidoni

Chiens

Jean Guidoni


Chiens

Par les rues 
Je te sens partout 
Comme le chien qui sent la chienne 
Je m'embusque dans le bistrot aux vieux néons violets 
M'écorcher les yeux à tes volets 
Tu es là, je sais, sous un autre homme 
Qui te fait l'amour 
Je vois ses reins creusés comme 
Sous un poids trop lourd 
Je vois ses yeux chavirer 
J'entends sa voix délirer 
Je suis, sans me faire connaître 
Celui-là qui te pénètre 
Aime-moi 
Dans le corps des autres 
Embrasse-moi sur leurs lèvres 
Et crois que celui qui met cette fièvre 
En toi 
Ce n'est pas l'autre 
C'est moi 

Quand ils aiment 
Les pauvres types comme moi 
Qui ils aiment? 
Les pauvres filles comme toi 
Toi si blême 
Trop blême 
Je t'aime 

Et toi aime-moi 
Je peux être aussi l'autre 
Celle qui vend ses lèvres 
Et qui te donne la fièvre 
Je peux être incognito 
A la fois plaie et couteau 
Etre le cri, le coup 
Le daim, le loup 
Etre le chien et la chienne 
Quand ils aiment 

Les pauvres types comme moi 
Ils n'ont même 
Pas de code et de loi 
Ils vont blêmes 
Trop blêmes 
Ils aiment