C'était un cosaque grand comme ça Qui aimait la belle Petrouchka Il servait au Nord de l'Oural Elle vivait au lac Baïkal Des kilomètres les séparaient Et le cosaque se minait, Se creusait, s'amaigrissait. Le soir il baisait sa photo, La r'bisait le matin très tôt, La rebisait vingt fois l'tantôt, Pauvre cosaque, il bisait trop ! Il s'app'lait Kaoutchouski Un nom à bouffer du brie ! Un soir l'âme rabougrie, Il balança son caviar En criant «J'ai le cafard» C'était un cosaque grand comme ça, Pour revoir sa belle Petrouchka Il enfourcha sa vieille jument Et plaqua là son régiment Et dans les steppes Il s'encourut, Filant à brides abattues Comme s'il avait l'feu aux dents La vieille jument claqua bientôt Alors il cria «Mille chevaux ! Je veux un cheval !» Mais l'écho dit «Y a ni d'juments ni d'chevaux !» Alors, il s'assit dans la neige Pleurant sur ses belles bottes beiges, L'hiver et son froid cortège Lui glaça l'bout des panards Il s'en aperçut trop tard C'était un cosaque grand comme ça, Pour revoir sa belle Petrouchka Il sortit son sabre en acier Et se coupa les dix doigts d'pieds, Faisant la route sur les talons Il avait des p'tits glaçons Qui lui pendaient au menton Ah cette glace ! Et sans soleil ! Après s'être coupé les orteils Un autre matin au réveil Il dut se couper les oreilles Il se coupa le lendemain Les pieds, les bras, les deux mains, Les cuisses et tout l'saint-frusquin, Il se coupa, quel malheur ! Tout c'qu'il avait d'meilleur C'était un cosaque grand comme ça, Quand il revit sa Petrouchka : -Va-t'en, dit-elle, t'es trop p'tit ! Et fataliste, il repartit. Alors, pour vivre d'une profession Sans histoire aux portes du Don Il fait maintenant l'homme-tronc Hélas, il n'a comme public Que les plus pauvres des moujiks Et l'homme-tronc est devenu Le tronc des pauvres, J'n'en dis pas plus Et voilà le roman banal, Intégral et sentimental Du grand cosaque de l'Oural !