La pendule, sonnant minuit, Ironiquement nous engage À nous rappeler quel usage Nous fîmes du jour qui s'enfuit : - Aujourd'hui, date fatidique, Vendredi, treize, nous avons, Malgré tout ce que nous savons, Mené le train d'un hérétique. Nous avons blasphémé Jésus, Des Dieux le plus incontestable ! Comme un parasite à la table De quelque monstrueux Crésus, Nous avons, pour plaire à la brute, Digne vassale des Démons, Insulté ce que nous aimons Et flatté ce qui nous rebute ; Contristé, servile bourreau, Le faible qu'à tort on méprise ; Salué l'énorme bêtise, La Bêtise au front de taureau ; Baisé la stupide Matière Avec grande dévotion, Et de la putréfaction Béni la blafarde lumière. Enfin, nous avons, pour noyer Le vertige dans le délire, Nous, prêtre orgueilleux de la Lyre, Dont la gloire est de déployer L'ivresse des choses funèbres, Bu sans soif et mangé sans faim ! - Vite soufflons la lampe, afin De nous cacher dans les ténèbres ! C'est ici la case sacrée Où cette fille très-parée, Tranquille et toujours préparée, D'une main éventant ses seins, Et son coude dans les coussins, Écoute pleurer les bassins : C'est la chambre de Dorothée. La brise et l'eau chantent au loin Leur chanson de sanglots heurtée Pour bercer cette enfant gâtée. Du haut en bas, avec grand soin, Sa peau délicate est frottée D'huile odorante et de benjoin. Des fleurs se pâment dans un coin. C'est la chambre de Dorothée Bien loin d'ici, bien loin d'ici