Jean Ferrat

La voix lactée

Jean Ferrat


Avant que mes chansons ne fassent des recettesJ'étais un paria du monde des affairesIl parait qu'à présent c'est fou ce qu'on m'achèteJe suis considéré autant qu'un camembertJesus-MarieQuelle décadenceQuelque chose est pourriDans mon royaume de FranceJ'aurais pu après tout n'être que concoyotteQue fourme méconnu qui reste sur l'étalQue ces petits carrés à la crème pâlotteQui n'ont aucune chance avec le CapitalJésus-MarieQuelle décadenceQuelque chose est pourriDans mon royaume de FranceBien qu'étant de la gueule si je ne suis en faitPour les uns qu'un fromage pour les autres un poèteJe vous avoue messieurs n'avoir pas méritéNi cet excès d'honneur ni cette indignitéJesus-MarieQuelle décadenceQuelque chose est pourriDans mon royaume de FranceJ'étais un bon garçon ni plus fin ni plus bêteQu'un tas de va-nu-pieds qui n'en font qu'à leur têteMais depuis que mon jour de gloire est arrivéJe dois faire des choses dont j'n'avais pas idéeJesus-MarieQuelle décadenceQuelque chose est pourriDans mon royaume de FrancePour avoir en effet goûté ses coups de triqueJe n'étais pas copain de la force publiqueBousculé par la foule je me vois aujourd'huiContraint d'app'ler les flics et de leur dire merciJésus-MarieQuelle décadenceQuelque chose est pourriDans mon royaume de FranceJe tapote des joues j'embrasse des enfantsEt je fais des risettes autant qu'un présidentSi je n'avais encore un peu d'égards pour moiJe dirais que je suis une vraie fille de joieJésus-MarieQuelle décadenceQuelque chose est pourriDans mon royaume de FranceMais qu'on soit fille de joie ou fromage ou poèteOn vous jette dehors quand boude le clientMoi Messieurs des Finances qui sait ce que vous êtesJe n'attendrai pas d'être tout à fait coulantJésus-MarieQuelle décadenceQuelque chose est pourriDans mon royaume de France