Des nuages porteurs 
D'un signe de tempête 
Rongent avec lenteur 
Le ciel dedans ma tête. 

Je reçois terrifié 
Le baiser de ma mie, 
Ma compagne éthérée 
Nommée mélancolie. 

Ce soir, serai-je encore 
Victime de sa flamme ? 
Sentirai-je en mon âme 
Sa grande aiguille d'or ? 

Non, car mes doigts se serrent 
Autour de l'antidote, 
La bouteille de verre 
Qu'à mes lèvres je porte. 

J'attends la délivrance, 
Ayant cessé déjà 
D'implorer leur éclat 
Aux fleurs de l'espérance. 

Les yeux à demi clos, 
Je caresse l'amante, 
En soude le goulot 
A mes lèvres tremblantes. 
Je tète avec tendresse 
La rose de Vénus 
En un anilingus 
Me hissant vers l'ivresse. 

Buvant de tout mon saoul 
Le liquide salvateur, 
J'atteins avec bonheur 
Le paradis des fous. 

Ayant fait table rase, 
En ce divin prélude, 
De toute inquiétude, 
Je vole vers l'extase. 

Jouissant de la splendide 
Métaphysique artiste, 
Ecrasé par le vide, 
Je ressens que j'existe. 

" Le chemin de l'ivresse 
Est voie de connaissance..." 
Susurre la déesse 
Qui devant mes yeux danse. 

Son haleine apaisante 
A chassé les nuages, 
Substituant à l'orage 
Une brume envoûtante. 

Oui, ce soir, je suis ivre ! 
Mais la Belle lacère 
Mon coeur dedans ma chair 
De ses ongles de cuivre. 

La brume incandescente 
Fait tournoyer mon âme, 
Et je supplie la dame 
De hâter la descente. 

" A bientôt mon amant " 
Me chuchote la fée 
Qui s'enfuit en souriant, 
Me laissant terrassé, 

Moi, le doux alcoolique, 
Cueillant les fleurs du mal 
Dans les relents de sales 
Vomissures éthyliques.