C'était le quatre juin Le soleil tapait depuis le matin Je m'occupais de la vigne Et mon frère chargeait le foin Et l'heure du déjeuner venue On est retourné à la maison Et notre mère a crié de la cuisine Essuyez vos pieds sur l'paillasson Puis elle nous dit qu'elle avait Des nouvelles de Bourg-les-Essonnes Ce matin Marie-Jeanne Guillaume S'est jetée du pont de la Garonne Et mon père dit à ma mère En nous passant le plat de gratin La Marie-Jeanne Elle n'était pas très maligne Passe-moi donc le pain Y a bien encore deux hectares à labourer Dans le champ de la canne Et maman dit Tu vois, quand j'y pense C'est quand même bête Pour cette pauvre Marie-Jeanne On dirait qu'il n'arrive jamais Rien de bon à Bourg-les-Essonnes Et voilà qu'Marie-Jeanne Guillaume Va s'jeter du pont de la Garonne Et mon frère dit qu'il se souvenait Quand lui et moi et le grand Nicolas On avait mis une grenouille dans le dos De Marie-Jeanne un soir au cinéma Et il me dit: Tu te rappelles Tu lui parlais ce dimanche près de l'église Donne-moi encore un peu de vin C'est bien injuste la vie Dire que j'l'ai vue à la scierie Hier à Bourg-les-Essonnes Et qu'aujourd'hui Marie-Jeanne S'est jetée du pont de la Garonne Maman m'a dit enfin Mon grand, tu n'as pas beaucoup d'appétit J'ai cuisiné tout ce matin Et tu n'as rien touché, tu n'as rien pris Dis-moi, la sœur de ce jeune Curé est passée en auto Elle m'a dit qu'elle viendrait Dimanche à dîner oh! Et à propos Elle dit qu'elle a vu un garçon Qui t'ressemblait à Bourg-les-Essonnes Et lui et Marie-Jeanne jetaient Quelque chose du pont de la Garonne Toute une année est passée On ne parle plus du tout de Marie-Jeanne Mon frère qui s'est marié A pris un magasin avec sa femme La grippe est venue par chez nous Et mon père en est mort en Janvier Depuis maman n'a plus envie De faire grand-chose Elle est toujours fatiguée Et moi, de temps en temps J'vais ramasser quelques fleurs Du côté des Essonnes Et je les jette dans les eaux boueuses Du haut du pont de la Garonne