Charles Trénet

Mon vieux ciné

Charles Trénet


Mon vieux ciné blotti sous les branches,Mon vieux cinéma muet aux drames silencieux,Sais-tu combien, j'aimais, le dimanche,Retrouver tes fantômes vivants à mes yeux,Films de terreur d'épisodes et de transes,Pearl White sautant, la folle, d'un cheval sur un train ?Qu'il faisait bleu à l'ombre des vacances,Qu'il faisait bon rêver dans mon vieux ciné.A présent d'autres cinés parlent, parlent, parlent,Émerveillent d'autres enfants tout comme autrefoisIls émerveillaient moi... Petit Charles,Au seuil de la vie, des premiers émois,Mon vieux ciné,Et là, peut-etre, je vous retrouverai.Mon vieux ciné, c'est un soir d'automneQue j'ai compris l'amour pour la première fois,En murmurant : "Hélène, je te donneMon cœur ardent, mignonne. Il n'est que pour toi."Et ce jour-là "Belphégor", sans une phrase,Au Louvre, dans une statue, eff'rayait bien des gens.Main dans la main, délicieuse extase,Hélène on s'est aimé dans mon vieux ciné.Mon vieux ciné, bien souvent, je penseAu temps où tu berçais mon cœur amoureux,Où tu peuplais de rêves de silenceDe tes acteurs témoins de mes jours heureux.Charlot Soldat faisait rire l'assistance.Moi, tes malheurs, Charlot, m'ont fait souvent pleurer.Hélène, ma mie, mon amour d'enfance,Ce soir j'vous attendrai dans mon vieux ciné.