Charles Trénet

Jeunesse plumée

Charles Trénet


J'n'ai pas connu le temps du French CancanEt je m'en fous,De Valentin le désossé, de la goulue.Moi, j'ai connu le temps des campsEt, j'vous l'avoue,Et j'ai connu, sans l'avoir voulu,L'temps des frisés polis,R'vêtus de vert-de-gris,Des cigarettes au marché noirSur les boul'vards,De ma jeunesse plumée,Envolée en fumée.Quand j'm'en souviensÇa m'fait tout d'mêm' du bien.Il y avait une bande de vieux jalouxQui nous traitait d'zazous.Il y aura toujours des gens qui n'aiment pas la jeunesse,Pour qui d'avoir vingt ans et d'vivre sans un souEst un péché dont l'bonheur les rend fous.Pauvres amours d'antan, pauvres petits rendez-vous,Pauvres serments, pauvres baisers, pauvres caresses,Pauvres désirs d'enfants avec le ventre creux,Les soirs d'hiver, malgré tout amoureux.Chacun son lot, le monde va, j'ai compris le destin.Aussi j'réponds, quand on me parle d'la belle époqueOu bien du temps présent, dont on n'est pas certainQu'il va s'priver d'nous flanquer tous en loques,Bravo pour l'madison,Les tangos argentins.Tant mieux pour vous si ça vous donne une âme baroque.Goulue, t'as fait ton temps.Vous c'est l'vôtre à présent.Tant mieux pour vous, moi j'garde mes seize ans.Hé ! Dis donc, Jeannette, regarde ce que j't'ai rapporté,Au lieu du bouquet de violettes que tu demandais :Une livre de beurre !...Comment j'l'ai eue ?...Par des copains...Des combines, des combines, des combines...Parce que... je t'aime, tu sais !