Y a des matins où rien ne paraît facile Des souvenirs voie de garage inutiles Des restes de vieux airs Qu'on va oublier dans la rue A peine sorti, j' tombe sur un homme tout en blanc Il me dit "Petit, il se passe quelque chose de troublant J' sais pas si c'est l' sommeil ou l' soleil Mais j' sens une drôle d'odeur, j' crois que c'est une odeur de sang" Solitude c'est un mot, ça d'vient vite une habitude Solitude, habitude, certitude, lassitude Y a plein de mots comme ça Un peu plus loin, mon ami Pierre se balade J' lui dis trop rien, j' le trouve vert, l'air malade Dans ses yeux délavés, plein de buée Je vois comme un désert et dedans y a mon reflet Les gens qu' j' croise changent tous de trottoir J'en ai même vu qui sortaient leur mouchoir J'aimerais bien leur parler, c'est raté J'entend un vieux qui dit "C'était pire les tranchées !" J' comprends plus rien quand une nana se ramène Elle tend un papier, j' crois qu' c'est pour dire qu'elle m'aime Mais je lis "Elections, piège à cons !" Elle, elle crie "Camarade, tes idées coulent sur ton veston" Papa, si tu m' voyais, toi qui me traitais d'artiste Toi qui me reprochais de ne pas être réaliste T'as loupé ce tableau, c'est le plus beau Je peins le trottoir en rouge sans me servir de pinceaux La femme que j'aimais compose mon épitaphe J' peux pas dire que dans ma vie Elle ne laisse pas de traces Ils sont encore tout chauds, les ciseaux Qu'avec délicatesse elle a plantés dans mon dos