Jacques Bertin

L'éternité à Denfert

Jacques Bertin


Tu sais, je ne me suis jamais senti chez moi
Que dans cette nacelle où nous étions quatre
Un enfant , un amour, un souffle , toi puis moi
Et les vagues du monde semblaient venir battre

Sur le bord de la rue Froidevaux. A Denfert
Tournaient des processions absurdes de punaises
Parfois, un cétacé venait, le cœur ouvert
Mourir sous nos fenêtres dans un soupir d'aise

Ou c'était un oiseau , mais presque sans bruit d'ailes
Apportant des nouvelles d'Ys ou Vancouver
A cinq heures , en tournant, un soleil en dentelles
Dessinait ou comme sur un sein découvert

Des formes sur le mur où un portrait de toi,
Unique - ou bien peut-être l'ai-je, et je mélange,
Imaginé - un peu donnait, comme parfois
Quand le film continue sans le son, une étrange

Sensation d'être pris dans un monde aux abois
Et la scène semblait déjà de la mémoire
Ainsi, peu d'années seulement, je fus chez moi
Sur cette périssoire allant vers Vancouver

Cette coque de noix
Rue Boulard
A Denfert