On m'a dit : "Fais des chansons comme-ci" 
On m'a dit : "Fais des chansons comme-ça" 
Mais que surtout ça ne parle jamais 
De choses vraies tellement vulgaires. 

Comprenez-vous, entre nous cher ami, 
La réalité, faut un peu l'arranger 
La réalité, vous savez comme c'est 
Bien souvent dégueulasse. 

Bon dans une chanson, faut faire des ronds 
Il faut créer des images-illusions 
Pour faire avaler à nous pauvres couillons 
Notre ennui quotidien. 

Viens mon amour, ma joie 
Sur la colline aux senteurs orientales 
On va sûrement rencontrer Jesus Christ 
Dans un caleçon à fleurs de Monoprix. 

Il aura sa plus belle auréole 
En plastique à dentelle mécanique 

Rien de changé sur notre quotidien 
Sur toutes les choses qui font que l'on est 
Bien manipulé, bien conditionné 
Par une bande de requins. 

Rien de changé depuis la Communale 
Où pendant des années on bourre le crâne 
Aux enfants à grands coups de programmes 
Pour qu'ils soient bien dressés. 

Rien de changé dans les usines 
La gueule des mecs de l'équipe de nuit 
Qui vont dormir quand le soleil se lève 
Exténués, abrutis. 

Les petites fleurs, les petits oiseaux 
Les petites filles, le français moyen 
Les grosses bagnoles et les belles motos 
Pour superviriliser nos minets. 

Belle fille heureuse dans son corps 
Grâce au tampon Igiénix qui ne fuit pas. 

Rien de changé depuis l'Algérie 
Sinon que maintenant il est permis 
D'en parler et de gagner des sous 
Avec des milliers de cadavres. 

Rien de changé depuis un tabassage 
A la matraque un 14 juillet 
Pour avoir osé chanter et danser 
Quand c'était interdit. 

Rien de changé depuis qu'un jour j'ai pissé 
Sur ma télé tellement c'était chouette 
Et bien sûr toute l'électricité 
M'est passée dans la quéquette. 

Bonsoir téléspectateurs 
Ce soir sur la deuxième chaîne couleur 
Dans notre série «Que la vie est belle !» 
Notre grande enquête sur les mirabelles 

Et puis avant d'aller au dodo 
Championnat du monde de rotoplots. 

Rien de changé pour la fille de treize ans 
Avec ses petits seins et son visage d'enfant 
Qui accouche terrorisée 
Dans les chiottes du lycée. 

Comme dirait un copain à moi 
Un peu fou, même complètement fou 
Qu'est-ce qu'on attend pour tout arrêter, 
Tout casser et recommencer ? 

Alors moi vous comprenez, 
Les violons, la guimauve, les flonflons 
Je trouve ça tellement anachronique 
Que ça me donne la colique. 

Je sais bien qu'une chanson 
C'est pas tout à fait la révolution 
Mais dire les choses c'est déjà mieux que rien 
Et si chacun faisait la sienne dans son coin ? 

Comme on a les mêmes choses sur le cœur